Opéra International
Decembre 1999

METZ

L’Italiana in Algeri

Rossini


Nicola Cavellier (Mustafà) – Marie-Ange Todorovitch (Isabella) – Gilles Ragon (Lindoro) – Jacques Calatayud (Taddeo) – Brigitte Lafon (Elvira) – Eric Martin Bonnet (Haly) – Annamaria Popescu (Zulma)
Giuseppe Grazioli (dm) – Christian Gagneron (ms) – Thierry Leproust (d) – Emmanuel Peduzzi (c)

Opéra-Théâtre, 21 novembre

Danielle Ory, qui dirige l’Opéra-Théâtre de Metz, aime prendre des risques ou, plus précisément, faire confiance aux chanteurs. L’Italiana in Algeri qu’elle vient de présenter au public messin, était l’occasion d’une prise de rôle pour tous les interprètes! Ce pari osé s’est avéré payant et ce spectacle s’impose comme l’un des plus réussis qu’il nous ait donné de voir ces dernières saisons.

Ce succès est d’abord l’œuvre du jeune chef italien Giuseppe Grazioli, qui a su obtenir des musiciens de la Philharmonie de Lorraine une précision et une cohésion rares. L’ouverture, avec ses contrastes dynamiques bien marqués, était particulièrement réussie, même si l’on aurait aimé un peu plus de moelleux des cordes.

On attendait évidemment avec intérêt les débuts de Marie-Ange Todorovitch en Isabella. En ayant l’intelligence de l’aborder dans une salle à dimension humaine, comme l’Opéra de Metz, la mezzo française a su s’assurer les conditions idéales pour cette prise de rôle, brillamment réussie. Dès son air d’entrée, elle s’impose par l’extrême homogénéité de la voix, la facilité de l’aigu et la rondeur du grave. Mais c’est au deuxième acte qu’elle a délivré une authentique leçon de chant, avec un "Per lui che adoro" paré de toutes les séductions, bientôt suivi d’un étourdissant "Pensa alla patria", aux difficiles vocalises pleinement assumées.

Mustafà était Nicolas Cavallier, dont la voix semble avoir gagné en ampleur et en projection. Comédien hors pair, il a convaincu immédiatement dans ce rôle buffo. Gilles Ragon, authentique ténor de demi-caractère – il fut un Gérald idéal dans Lakmé à l’Opéra-Comique, il y a quelques années-, prouve ici à quel point le répertoire rossinien lui sied : aptitude à varier les couleurs, facilité de l’aigu, égalité des registres, tout est en place. Seule la vocalisation, déjà honorable, gagnerait à être travaillée encore. Excellente Elvira de Birgitte Lafon, aux aigus étincelants, qui se révèle ici une comédienne irrésistible de drôlerie.

Les décors sont ingénieux et ravissants: une passerelle accessible par deux escaliers latéraux, dont le fond, évoquant assez librement des moucharabiehs, est occulté par des panneaux qui identifient les différents lieux de l’action. Quant à la mise en scène de Christian Gangneron, elle joue à fond l’esprit rossinien, parfois jusqu’à une loufoquerie que n’eût pas désavouée le compositeur. Ainsi la convention de l’aria di sorbetto est-elle scrupuleusement transposée: pendant l’air d’Haly (l’excellent Eric Martin-Bonnet), les lumières de la salle se rallument et d’accortes ouvreuses viennent distribuer des confiseries aux spectateurs!

Il reste à souhaiter que ce joli spectacle soit reprise dans d’autres théâtres…

Philippe Thanh