OPÉRA Des voix et un chef exceptionnels pour Rossini à l'Opéra Royal de Wallonie LILY PORTUGAELS Avec Sémiramide de Rossini, donnée en version concert, l'ORW vient d'ajouter un fleuron à une couronne de succès pourtant déjà impressionnante. Il faut dire que les voix réunies ici étaient réellement exceptionnelles. Après certains airs, le public a littéralement crié son admiration et, à la fin du concert, le public debout a applaudi à tout rompre. On n'est pas près d'oublier à Liège l'écrasante performance de la contralto Ewa Podlès. On la connaissait déjà à Liège mais cette fois, elle a pulvérisé tous ses records, comme on dirait en langage sportif. Une voix ample, un timbre sombre qui sait aussi se jouer des aigus, une technique étourdissante notamment dans les vocalises dont aucune note ne lui échappe. Ce fut superbe à couper le souffle. Quelqu'un à qui le souffle n'avait pas été coupé est le ténor américain, Rockwell Blake ! Ce ténor est non seulement doté d'une amplitude vocale de deux octaves et demie mais aussi d'une capacité respiratoire peu commune. Son timbre de voix très particulier peut être diversement apprécié, mais il est évident que c'est celui qui convient à ce genre d'ouvrage. Il s'est taillé un éclatant succès personnel. Très beau succès aussi pour la soprano Darina Takova pour qui Sémiramide était une prise de rôle. Elle a comme on dit tout ce qu'il faut là où il faut et cela est vrai même au-delà de ses qualités vocales! Excellentes prestations très appréciées également que celles du baryton Boris Martinovich, de la basse Léonard Graus, de Laure Delcampe (soprano), Laurent Koehl (ténor) et Roger Joachim (basse). Mais il faudrait un journal entier pour détailler les mérites du chef d'orchestre Albert Zedda que l'on revoit toujours à Liège avec énormément de plaisir. Mais cette fois, on le voyait à l'oeuvre sur la scène et à lui seul il est tout un spectacle. On comprend qu'avec un chef pareil l'orchestre soit littéralement transporté tout comme les choeurs toujours parfaitement préparés par Edouard Rasquin. |
OPERA Magnifique exécution en concert de la "Semiramide" de Rossini produite par l'Opéra royal de Wallonie: mieux vaut un tel feu d'artifice vocal qu'une production scénique empesée. PAR NICOLAS BLANMONT CRITIQUE. Après "Saul" de Haendel (La Libre du 27 février), c'est un autre monument lyrique que le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles accueillera ce mercredi. Ce concert a lieu dans la série "Opéra en concert". Et une fois encore le public devrait être comblé, tant le plateau réuni est capable de suppléer par ses talents musicaux à l'absence de toute mise en scène, comme on a pu s'en rendre compte ce week-end à Liège où l'oeuvre était donnée pour son public, par l'Opéra Royal de Wallonie, producteur du spectacle. Il s'agit pourtant cette fois d'un véritable opéra. Le dernier opus italien de Rossini, "Semiramide" marqua en effet à sa création en 1823 tout à la fois une apogée et un tournant dans la production d'opéra seria du compositeur. Mais le livret peu soucieux de psychologie profonde des personnages et empreint de quelques situations peu vraisemblables rend plus que périlleuse quelque production scénique que ce soit, à telle enseigne qu'il vaut mieux donner l'oeuvre en version de concert si l'on ne veut pas la laisser dormir dans les cartons.DEUX ROLES EXIGEANTS. Il faut toutefois des forces imposantes pour réussir le travail, avec notamment deux rôles féminins des plus exigeants:- celui de Semiramis, dévolu à une soprano aguerrie (Joan Sutherland en fut longtemps l'incarnation idéale), -et celui de son général (et fils, on l'apprendra en cours de soirée) Arsace, requérant une contralto. COMME A PESARO. Avec une distribution digne du festival de Pesaro, la production liégeoise tient parfaitement le pari, réussissant même à nous convaincre que cette forme apparemment statique est plus adéquate encore pour jouir de l'ivresse vocale qui irradie constamment la partition. Dans le rôle-titre, on découvre la soprano bulgare Darina Takova qui, pour sa prise de rôle, réussit un coup de maître: la voix a l'assurance qu'il faut sans pour autant jamais être criarde, les aigus sont rayonnants et la technique est éprouvée. A ses côtés, on retrouve avec plaisir la contralto Ewa Podles, déjà applaudie à Liège dans "Tancredi" du même Rossini: timbre au grave à frémir, aisance constante et maîtrise complète du personnage (elle chante tout de mémoire) sont les atouts de la chanteuse la plus applaudie du plateau. CÔTÉ HOMMES. Côté hommes, Rockwell Blake n'est pas en reste: le timbre de la voix du grand ténor rossinien n'est peut-être pas le plus gracieux, mais il chante avec une suavité délicieuse, habite intelligemment le personnage d'Idreno et vocalise comme nul autre, prodigieux technicien capable notamment d'enchaîner une longue série de mesures périlleuses d'un même souffle. Seul Boris Martinovitch semble un peu en retrait, pas tellement vocalement -sa voix de basse répondant parfaitement aux besoins d'Assur tant par son intonation que par sa rigueur rythmique - mais scéniquement: son incarnation du personnage paraît peu impliquée, notamment dans sa scène de la folie peu empreinte de folie. RÉGIONAUX. On s'en voudrait d'oublier les régionaux de l'étape, tous adéquatement distribués autour de ce quatuor international: Leonard Graus en Oroe, Laure Delcampe en Azema, Roger Joakim en Nino, sans oublier le jeune ténor français Laurent Koehl en Mitrane. Mais le plus stupéfiant est sans doute Alberto Zedda. A 76 ans, le chef italien - rossinien patenté puisqu'il est directeur artistique du festival de Pesaro - a les ressources nécessaires pour construire et entretenir la tension dramatique tout au long des quatre heures d'une partition donnée sans les coupures usuelles, mais aussi pour galvaniser ses troupes: l'orchestre et les choeurs de l'ORW sont sans failles, et ils ne sont pas les derniers à mériter leur part de l'ovation debout qui salue le rideau final. © La Libre Belgique 2001 |