ForumOpéra
Théâtre du Châtelet (Paris), le 30 octobre 2005

La Walkyrie ne tien pas la promesse de L’or du Rhin

Comment interpréter la vision de Robert Wilson? La question jaillissait, enthousiaste, à l’issue de la représentation de L’or du Rhin dimanche dernier. La réponse n’a pas attendu la fin du cycle. Elle survient immédiate à l’issue de cette Walkyrie: il n’y a pas d’explication.

Car autant le système fonctionnait à merveille dans le prologue instaurant une tension permanente, engendrant des images d’une grande force poétique, laissant présager par la suite certaines révélations, autant le mécanisme s’enraye dès la première journée. Le lyrisme intense du deuxième volet de La Tétralogie se brise contre la lenteur du rythme, la répétition mécanique des mêmes gestes ; le message essentiel, cette naissance de l’humanité à laquelle le spectateur assiste bouleversé via le personnage de Brünnhilde, ne passe pas. Quelques beautés subsistent, fulgurantes, la lumière sur les mains de Siegmund et Sieglinde lors de l’échange de l’eau, l’apparition foudroyante de Fricka à la fin du deuxième acte… Mais, la magie de ces instants n’efface pas l’absence d’idées qui paralyse le reste du spectacle. La machine tourne à vide.

Pour ne rien arranger, les deux vedettes de la production, Peter Seiffert et Petra-Maria Schnitzler, Tannhaüser et Elisabeth sur cette même scène en avril 2004, partenaires à la ville comme à l’opéra dans de nombreuses productions wagnériennes, éprouvent le plus grand mal à balayer le passé et à se plier aux nouvelles règles imposées par le metteur en scène. Le ténor surtout s’empêtre dans un mouvement contraire à son tempérament. Seul compte alors la splendide incarnation vocale, le métal rayonnant dont il forge Siegmund, la vaillance et l’éclat à défaut des pigments sombres du héros. Le timbre de son épouse séduit moins mais le personnage est plus habité encore. L’expression culmine dans un aigu chaleureusement déployé qui incendie les adieux à la Walkyrie.

L’autre couple de l’ouvrage, Wotan et Brünnhilde, ne se hisse pas à ce même niveau. Loin s’en faut. Linda Watson se heurte à l’immensité du rôle. Wagner la voulait claire et juvénile ; la cantatrice conjugue à l’inverse maturité, médium épais et acier émoussé. Les "Hoïotoho!" de l’entrée en font les frais d’un demi-ton, l’instrument reste contrôlé mais l’émotion absente. Face à cette matrone, Jukka Rasilainen confirme qu’il ne possède pas l’envergure du maître des dieux. Baryton doté d’une faible basse, il se débat tout au long de l’opéra avec ses problèmes de tessiture. Et, si, contrairement aux craintes exprimées dans L’Or du Rhin, il parvient à varier l’intonation pour trouver des accents véritablement humains, la couleur reste trop uniforme. La fin de l’œuvre le laisse à bout de forces, recouvert impitoyablement par l’orchestre, exsangue, en accord finalement avec la mise en scène qui, à ce moment, ne brille qu’au travers de trois petits feux allumés sur le plateau, mais à rebours de la musique dont le scintillement laisse entrevoir un autre brasier.

Irréprochables en revanche, la Fricka magnétique de Mihoko Fujimura et l’impressionnant Hunding de Stephen Milling en imposent chacun à leur manière.

Ce qu’on perd (beaucoup) d’un côté, on le gagne (un peu) de l’autre. La direction de Christoph Eschenbach, retrouve, par rapport à Das Rheingold, un semblant de cohésion. On recherche en vain l’intention chambriste annoncée mais les cuivres écrasent moins, sonnent plus justes aussi, les cordes demeurent excellentes. Pour autant, l’ensemble, plombé par une lenteur excessive, ne s’élève pas à l’intensité décrite par le livret et la partition.

Malgré ces réserves, on ne quitte pas la salle indemne. Le poison, distillé pendant plus de quatre heures, agit encore longtemps après. Pourtant, une fois ses effets dissipés, force est de reconnaître que les fruits, La Walkyrie, n’ont pas tenu la promesse des fleurs, L’or du Rhin. Déçu, on attend la suite, avec plus d’inquiétude et moins d’impatience.

Christophe Rizoud

 

altamusica.com
Théâtre du Châtelet (Paris), le 21/10/2005

CRITIQUES DE CONCERTS

Création à Paris de la Walkyrie de Wagner mise en scène par Robert Wilson et sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet.
Ring 2005-2006 (2): Une Walkyrie sonnante et trébuchante
Cuisant échec que ce deuxième volet du nouveau Ring du Châtelet. Christoph Eschenbach se noie dans des péchés de chef trop peu habitué à la fosse et la distribution qui affiche un Wotan épouvantable est seulement rachetée par l’excellence des jumeaux. Les images inégales de Bob Wilson ne sauvent pas une soirée pleine d’incidents et de tensions.

par Yannick MILLON

Décidément, Christoph Eschenbach a vraiment du mal à tenir son premier Ring. Après un Or du Rhin mi-figue mi-raisin, le chef allemand, à des années lumière de ses déclarations d’intention sur un Wagner chambriste et transparent, fait tourner la Walkyrie à la débauche de décibels et d’effets outranciers, dans une lecture fébrile et brouillonne. Gâté par un rubato prévisible où chaque épisode piano est ralenti, le I commence pourtant par l’un des plus beaux orages que l’on ait entendus. Mais à l’arrivée de Hunding, la machine s’enraye, et Eschenbach montre ses limites de chef d’opéra en imposant une lenteur suffocante qui gêne les chanteurs au point de provoquer de sérieux décalages.

En résulte une fin de première acte sous tension, une anxiété palpable chez un orchestre déboussolé – les cors qui minorisent un accord majeur dans le motif de l’épée. Dès lors, la raideur, la crispation ne quitteront plus le chef allemand, qui ne respire jamais avec les vents et entraîne une mise en place constamment malmenée. Quel gâchis quand on songe aux superbes couleurs des cuivres, à l’excellence des cordes de l’Orchestre de Paris !

Mais plus encore, cette Walkyrie est défigurée par le principal rôle masculin. À ce stade, le Wotan exécrable et archi-faux de Jukka Rasilainen n’est plus une paille dans la distribution, mais une poutre. Comment peut-on laisser chanter la rage, le désespoir puis la clémence du dieu des dieux avec ces accents plébéiens, cette émission poussive et ouverte, cette intonation d’ivrogne qui ruine littéralement le III ?

Malheureux expédients à côté desquels les limites de la Brünnhilde de Linda Watson passeraient pour des trésors. L’Américaine fait parfois penser à sa compatriote Deborah Polaski : même personnage d’emblée très femme, même médium charnu, mêmes raideur et souci d’intonation dans l’aigu – les appels du II qui bradent leur contre-ut au demi-ton, le Der diese Lieb du III qui pilote les notes de passage en rase-mottes. Pourtant, les derniers instants avant l’endormissement sont d’une belle ardeur.

Des jumeaux proches de l’idéal

Heureusement que l’on dispose d’un couple de jumeaux quasi idéal pour maintenir l’intérêt du plateau. La Sieglinde de Petra-Maria Schnitzer est la perle de la distribution : rayonnante de féminité, d’engagement, suprême technicienne de surcroît – contrairement à son Elsa de Bayreuth, les aigus, parfois un peu pointus, ne plafonnent jamais. Le Siegmund de Peter Seiffert, bridé par la gestuelle, a de la vaillance – les Wälse ! sur un souffle en béton –, et un aigu éclatant. Il lui manque seulement le grave, ce fondement barytonnant si typique du rôle. Le Hunding impressionnant de noirceur et de volume de Stephen Milling se contente de faire un effet bœuf ; la Fricka de Mihoko Fujimura d’étaler un organe somptueux.

Quant aux images de Bob Wilson, elles peinent parfois à habiter le drame dans la longueur – une Annonce de la mort sommaire. Si quelques tableaux sont d’une suffocante beauté – l’offrande de l’eau à Siegmund ; la maïeutique de Wotan, allongé sur une planche inclinée –, l’imagerie semble moins idéalement convenir au théâtre psychologique de la Walkyrie qu’aux atmosphères mythiques de l’Or.

Une dernière chose, pourquoi cet abrégé schématique et souvent fantaisiste en guise de surtitrage, où certaines tirades sont résumées en deux lignes ? Car en sortant du Châtelet, on reste sur l’impression d’une Walkyrie trébuchante, à l’image de saluts aussi fébriles que la représentation, où les femmes se prennent les pieds dans leurs robes, où Eschenbach trébuche à son tour en faisant saluer l’orchestre.

 

ConcertoNet.com
23 octobre 2005

A mi-chemin

Le Ring suit son cours au Châtelet, avec La Walkyrie (1856), dont la production s’inscrit bien évidemment dans la continuité de celle de L’Or du Rhin, présentée deux jours plus tôt.

C’est le cas, au premier chef, de conception de Robert Wilson, toujours aussi lente dans sa direction d’acteurs et épurée dans sa scénographie, même si aucun élément essentiel n’est éludé, du frêne au glaive en passant par le bouclier et la lance. Au premier acte, hauts murs et fenêtres élancées évoquent quelque palais, tandis que les deux autres actes se déroulent dans une sorte de no man’s land légèrement incliné vers l’avant, au sol noir et craquelé, dont les aspérités capturent, comme un tableau de Soulages, les lumières savamment réglées par Kenneth Schutz. Les costumes de Frida Parmeggiani continuent d’évoquer avec sobriété l’apparat nippon davantage que les légendes nordiques.

Une partie du public conteste le travail de l’Américain, venu saluer avec son équipe, y compris l’un de ses "collaborateurs à la mise en scène", Giuseppe Frigeni. Il est vrai que quand le dépouillement laisse – rarement – la place à des trouvailles plus spectaculaires, celles-ci semblent tantôt intéressantes – Wotan, comme s’il était déjà le voyageur que l’on verra dans Siegfried, traverse la scène pendant le prélude du premier acte – tantôt de nature à faire sourire: les quatre maigres foyers qu’il déclenche pour figurer les flammes qui encerclent le rocher donnent ainsi la fâcheuse impression que c’est un bûcher qui a été dressé pour la malheureuse Brünnhilde.

C’est le premier acte qui s’avère vocalement le plus satisfaisant. Malgré un timbre manquant d’homogénéité, Peter Seiffert, auquel succèdera Placido Domingo pour les deux derniers cycles en avril prochain, n’en possède pas moins les qualités requises par son personnage, campant un Siegmund plus sérieux que spontané. On peut certes aussi imaginer des Sieglinde plus sensuelles et passionnées que Petra-Maria Schnitzer, sans doute bridée par la mise en scène, mais la soprano autrichienne fait preuve d’une grande aisance. A ce duo vedette de Bayreuth, par ailleurs mari et femme à la ville, se joint l’excellent Stephen Milling: le Danois s’impose par une voix somptueuse et souple, une clarté d’émission et une puissance remarquables, une facilité sur toute la tessiture, l’ensemble formant un Hunding presque trop raffiné.

Avec le retour de Wotan – heureusement accompagné de la Fricka de Mihoko Fujimura, qui réitère, avec une belle palette de nuances, son impressionnante prestation de L’Or du Rhin – et l’arrivée de Brünnhilde, les deux derniers actes ne se maintiennent hélas pas au même niveau. Le Wotan de Jukka Rasilainen reste un mystère: s’il faut peut-être imputer à la vision de Wilson ce dieu las et résigné, figé et distant, peu expressif, il reste que le baryton finlandais est trop irrégulier et, surtout, trop léger pour le rôle. De même, Linda Watson effectue une première apparition mitigée en Brünnhilde plus recueillie que primesautière: si elle maîtrise les pages lyriques par une ligne de chant subtilement ciselée, elle se montre plus approximative et moins assurée lorsque la vaillance entre en jeu.

Christoph Eschenbach adopte à nouveau une allure générale très retenue, soit près de quatre heures de musique, au risque, malgré des emballements soudains, de nuire à l’urgence et à la nécessité dramatiques. Si elle est cohérente, de ce point de vue, avec la réalisation scénique, la direction musicale privilégie en même temps une volupté sonore quasi straussienne, moins en phase avec l’épure que crée par ailleurs Wilson. L’Orchestre de Paris accuse ici ou là quelques signes de fatigue, fort excusables pour des musiciens qui ont joué plus de six heures et demie en deux jours, mais n’en demeure pas moins l’un des grandes triomphateurs de la soirée, se déployant avec une telle générosité que l’équilibre avec le plateau en paraît moins réussi que dans L’Or du Rhin, avec notamment des walkyries qui peinent à se faire entendre.

L’entreprise s’arrête ici à mi-chemin, car il faudra attendre 2006 pour découvrir la suite et la fin de ce premier cycle, avec Siegfried le 26 janvier et Le Crépuscule des dieux le 28 janvier.

Simon Corley

 

LE JOURNAL DE SPECTACLES
25 octobre 2005

Opéra/Classique: L’Or du Rhin et La Walkyrie de Richard Wagner
Festival d’effets spéciaux

Par Caroline Alexander

Chaque fois, l’événement fait mouche : dès qu’une nouvelle Tétralogie, l’œuvre majeure en quatre opéras de Richard Wagner, est annoncée, c’est l’émeute chez les wagnerophiles, wagnerolâtres et quel que soit leur prix, les places s’arrachent. Celle qui vient de prendre son envol au Châtelet de Paris n’a pas dérogé à la règle. Le théâtre affiche complet (ou presque) jusqu’à la fin des représentations programmées jusqu’au mois d’avril 2006.

Il y avait onze ans qu’on ne l’avait pas vu à Paris ce fameux Anneau du Nibelungen avec son prologue et ses trois journées. Ce n’est pas à l’Opéra de Paris, où il est absent depuis plus d’un demi-siècle, mais dans ce même Châtelet que les quatre opus et leur seize heures de musique furent à l’affiche au printemps 1994, dans une mise en scène tout en grisaille de Pierre Strosser. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’aujourd’hui, à l’exception du lieu, la production s’annonce radicalement différente, tant dans l’analyse que dans l’approche et l’exécution. La griffe haute-couture des lumières de Bob Wilson est passée par là ainsi que les sonorités de l’Orchestre de Paris enfiévrées par son chef Christoph Eschenbach.

Une aura d’universalité

Le problème avec cette gigantesque fresque, dont Wagner puisa les éléments dans la saga islandaise des Eddas, est de savoir par quel bout la prendre, s’il faut la traiter au premier degré façon bande-dessinée avec armures, boucliers et casques à pointes ailées, comme ce fut le cas jusqu’aux années cinquante quand Wieland Wagner, le petit-fils de Richard, osa pour la première fois un dépouillement qui conférait à l’œuvre une aura d’universalité. Depuis ce temps-là, tout aura été essayé, les partis pris les plus fous comme les plus saugrenus. En 1976, pour le centenaire de sa création à Bayreuth, la réalisation de Patrice Chéreau et Pierre Boulez, qui transposait l’épopée dans le siècle de Wagner, reste aujourd’hui encore comme la référence absolue.

Silhouettes hiératiques en costumes stylisés

Avec l’Américain Bob Wilson se pose un tout autre problème : celui du rôle du metteur en scène. Est-il la personne désignée pour rendre compte d’une œuvre, en un mot pour la servir, ou bien est-il celui qui se sert de cette œuvre pour en faire le miroir de ses obsessions, voire de ses manies ? Depuis une quinzaine d’années, Robert Wilson, que l’on a connu débordant d’imagination dans Le Regard du Sourd, Einstein on the Beach, Civil Wars, Black Rider et quelques autres réalisations inoubliables, s’est mué en dandy touche-à-tout : peintre, sculpteur, concepteur de design mobilier, organisateur de défilés de mode, etc. Pour figer, par la suite, ses réalisations dans un moule unique fait de lumières rasantes, de contre-jours et de poses maniérées empruntées pêle-mêle aux bas-reliefs de l’Egypte antique et au Japon des Samouraïs et du théâtre Nô.

De fait, Wilson met tout ce qu’il touche à la même sauce : silhouettes hiératiques en costumes stylisés se déplaçant de préférence de profil, les doigts écartés, et festival d’effets spéciaux. Ils ne sont plus des personnages mais les projections d’un ballet minimaliste où le chic et l’élégance priment. Selon les œuvres, ça colle ou ça ne colle pas. Ce fut plutôt réussi pour Pelléas et Mélisande de Debussy, à l’Opéra de Paris mais raté pour La Flûte Enchantée de Mozart, pour ne citer que deux exemples.

Minimalisme symbolique

Pour L’Or du Rhin et La Walkyrie, le prologue et la première journée de la Tétralogie qui viennent d’ouvrir le feu des festivités du Châtelet, une progression s’installe d’un opéra à l’autre, une sorte d’accoutumance qui finit par une forme de fascination, née principalement des éblouissants jeux de lumière qui remplacent à eux seuls tout décor et même toute psychologie. Car la psychologie est bien le dernier souci de Wilson et il serait vain de chercher la moindre direction d’acteurs ou quelque chose de physique dans les rapports entre les protagonistes transformés en poupées de cire robotisées.

On commence donc par suivre difficilement l’épopée des filles du Rhin, ces naïades coquines dépositaires de l’or du fleuve transformées ici en statues amidonnées qui n’ont plus l’air du tout de s’amuser à émoustiller Alberich, visiteur aux dents de requins qui renonce à l’amour par amour du pouvoir. Alberich, épaules nues sur tenue géométrique à la Goldorak, est sauvé du ridicule de son costume par Sergei Leiferkus, magnifique baryton qui réussit à lui donner de l’épaisseur et du mystère. Les dieux - Wotan le borgne et Fricka, sa femme, gardienne des vertus conjugales, Freia la vierge garante d’éternelle jeunesse, Loge le demi-dieu du feu, les géants bâtisseurs du Walhalla et les nains forgerons dirigés par Mime qui n’est plus le traditionnel nabot mais un athlète bodybuildé - sont tous logés à la même enseigne du minimalisme symbolique. Avec des moments de grande beauté visuelle comme celui où l’or tombe des cintres en une cascade lumineuse ou encore celui où les nains de la forge - une figuration d’enfants costumés en automates - forment une ronde d’ombres chinoises.

Sigmund et Sieglinde

Avec La Walkyrie, s’installe le monde des humains. Wotan, incurable coureur de jupons, Don Juan du Nord, a engrossé une mortelle qui lui a donné des jumeaux, un fils et une fille. Wotan a abandonné la fillette et laisse errer le fiston dans les bois. Jusqu’au jour où celui-ci frappe à la porte d’une demeure patricienne et demande l’hospitalité...

Ainsi Sigmund retrouve sa sœur Sieglinde mal mariée au brutal Hunding, en tombe amoureux et réussit à arracher le glaive Notung du frêne où Wotan l’avait fiché. Les amants incestueux seront poursuivis par la rage de leur père qui délègue à Brünnhilde, l’une de ses filles, sa Walkyrie préférée, la mission de punir le couple. Mais Brünnhilde a un cœur, elle désobéit... Ainsi se mettent en place les malédictions qui, deux opéras plus loin, aboutissent au Crépuscule des Dieux.

L’adéquation son et lumière

Il y a un semblant de décor au premier acte de cette première journée, une sorte de hall cathédrale, noir et gris avec de larges baies vitrées et une colonne couleur d’encre d’où s’échappe la poignée de l’invincible glaive. Puis les espaces nus, habillés de lumières, reprennent leur rôle conducteur et médiateur pour se fondre dans la musique et lui donner son sens. Il y a incontestablement une connivence entre Wilson, l’éclairagiste et Eschenbach, le metteur en musique. Tout concorde parfaitement, l’adéquation son et lumière tient parfois du tour de magie. La lumière blanche sur les mains unies de Sigmund et Sieglinde en dit plus long sur leur passion que n’importe quelle embrassade. Et l’Orchestre de Paris, dont Eschenbach est le chef, qui dans L’Or du Rhin semblait rester sur ses réserves chambristes, prend de l’élan, des couleurs, une respiration large qui va parfois jusqu’à couvrir les voix quand les chanteurs se trouvent au fond de la scène et que grondent les tempêtes.

Peter Seiffert, exemplaire d’intensité

Ces voix justement, prennent aussi leurs marques dans La Walkyrie. Alors que Jukka Rasilainen campe un Wotan sans autorité et sans charisme dans L’Or du Rhin, il prend enfin de l’ampleur, vocalement et scéniquement, et ajoute une pointe de sarcasme qui le diabolise. Il ne sera sans doute jamais un Wotan idéal, car pour cela il lui faudrait un charme quasi surnaturel pour que soient acceptés ses débordements de truand, de dictateur et de guerrier sans scrupule. Mikhoko Fujimura en revanche fera date dans son interprétation de Fricka, femme blessée dans sa dignité et ses passions, timbre au phrasé aérien, beauté de corps et de tête.

Si la Sieglinde de Petra-Maria Schnitzer parait froide jusqu’à l’absence, le Sigmund de Peter Seiffert, malgré ses dérapages dans les graves, reste exemplaire d’intensité et de lumière. La stature athlétique et la voix de caverne du Hunding de Stephen Milling impressionnent les yeux et les oreilles.

Linda Watson, merveilleuse d’humanité

Dans le rôle titre, Linda Watson fait quelques mécontents car ni sa voix ni son jeu ne correspondent aux clichés collés à Brünnhilde, avec ses glapissements aux cimes des contre-uts et son allure guerrière. Elle est pourtant merveilleuse d’humanité et de douceur, deux qualités essentielles de cette héroïne qui se sacrifie par compassion et dont on n’entend que trop rarement la chaleur, le moelleux et le courage. Linda Watson émeut. Elle est la seule à réussir ce tour de force.

Pour Siegfried et Le Crépuscule des Dieux, il faudra attendre janvier et février prochain avant de pouvoir regrouper le tout en avril. A noter que Placido Domingo remplacera Peter Seiffert pour le Sigmund de 2006.

 

ANACLASE.com
28 octobre 2005

Paris, Théâtre du Châtelet, 21 & 25 octobre 2005
"der ring des nibelungen" de richard wagner
prologue : das rheingold
1ère journée : die walküre

On s'en souvient : c'est déjà le Théâtre du Châtelet qui proposait le dernier Ring parisien, réalisé par Pierre Strosser et dirigé par Jeffrey Tate. Dix ans plus tard, le public lutécien peut redécouvrir le grand œuvre wagné- rien, dans une version co-produite avec l'Opernhaus de Zurich, attendue comme l'événement de la saison. Robert Wilson inscrit sa mise en scène dans la continuité de ses investigations esthétiques qu'un minimalisme de plus en plus radical caractérisera le plus rapidement. Ici, la vapeur fait la première son entrée sur scène, localisant les flots légendaires qu'anime peu à peu l'orchestre. Des couleurs savamment choisies tra-verseront un fond de scène systématique, tour à tour ciel de méditation, horizon d'éternité ou miroir des humeurs, cependant jamais perspective ni profondeur. On l'aura compris : la lumière, conçue par l'Américain avecla complicité de Kenneth L. Schulz, sera le principal scénographe de ces quelques quinze heures de spectacles.

Dans ce travail, on saluera une certaine manière de souligner actes, situations ou fonctions dramatiques par le soin apporté à plusieurs ima-ges soudain mises en exergue du flux de la gestuelle générale devenue désormais conventionnelle : la lueur du précieux métal reflétée sur les mains des Filles du Rhin - l'œil de l'or - ; la lance de Wotan sourdant du sol devant les montagnes azurées où les géants ont construit le Château ; le suivi écarlate sur la silhouette de Loge ; la vie extraordinaire qu'une découpe précise donne à la main de Sieglinde partageant l'eau avec Siegmund ; d'incessants changements de ciel (Die Walküre, 2ème acte) devant lesquels les dieux piétinent un sol pouvant évoquer, sans les définir aussi nettement que l'énoncent ces lignes, des terres avec leurs côtes, leurs reliefs, leurs mers, mesurant alors le temps indicible d'immortels ; la solitude du bouclier et de la lance de Brünnhilde plantés au sol pendant la vaine repentance de la préférée de Wotan ; etc. L'absence d'une conception spécifiquement théâtrale vient toutefois gêner la perception que nous pou-vons avoir de ces belles images. Car enfin, des chorégraphies malhabiles (ineptes rondes des Filles du Rhin, figuration inutile et mal réglée des petits Nibelungen…), une solennité rigide qu'aucun humour ne tente jamais de transcender, une lenteur maniériste des déplacements attei-gnant des sommets d'élucubrations esthétiques dans la 1ère Journée du cycle, enfin une stylisation parfois peu convaincante (mur de flammes de Brünnhilde plutôt maigre, par exemple), pourraient bien peser lourdement dans la balance appréciative d'une telle approche. D'autant que, plus pro-saïquement, la transmission fonctionnelle n'est pas toujours à la hauteur, comme l'accusent les vilaines ombres portées et diverses incohérences dans la conduite des lumières de Walkyrie.

À la jauge des applaudissements et autres manifestations traditionnelles d'enthousiasme ou de son contraire, il semble qu'une partie de la salle ait estimé inégale la distribution de ces représentations. Il conviendra de nuancer un jugement sans doute rapide et peut-être ingrat, sans perdre de vue qu'un plateau ayant à réunir plus d'une vingtaine de voix n'atteint que rarement, si ce n'est jamais, l'idéal ; exceptionnellement monté, l'ouvrage se confronte ici aux habitus d'écoute de mélomanes élevés aux utopies discographiques ne témoignant pas, par définition, de contingences non négligeables. Pour brièvement résumer, si le chant quelque peu maniéré de Kirsten Blaise s'avère entravé par de l'air sur les cordes vocales, la Wellgunde de Daniela Denschlag jouit d'un timbre plus corsé et présent, servant plus tard Grimgerde. De même Annalena Persson donnera-t-elle une Ortlinde solide et avantageusement sonore. Certes, la Freia de Camilla Nylund manque de charisme et n'est pas toujours très juste, malgré un timbre charmant, mais Annette Jahns offre à Flosshilde puis Schwertleite un contralto chaleureux autant que puissant, ménageant une fort belle ligne de chant. Avec un grave parfois problématique, Qiu Lin Zhang sait cepen-dant honorer Erda d'un impact vocal flatteur non dépourvu de couleurs. Vérifiant le paradoxe d'une voix assez souple qu'elle n'éveille pleinement qu'au troisième acte (Die Walküre), Petra-Maria Schnitzer campe une Sieglinde finalement lumineuse. Enfin, un rien trop raide à partir du haut-médium, la voix de la Brünnhilde de Linda Watson n'en possède pas moins le format du rôle, comme l'ultime passage du dernier acte - somptueux - le démontre.

Côté messieurs, il nous faut bien avouer ne pas saisir ce que fait ici Jukka Rasilainen, campant un Wotan allègrement faux, au timbre parfai-tement disgracieux, dont l'émission semble soumise à un placement vocal indéfini et changeant ; le résultat : des attaques improbables, une conduite chaotique de la ligne de chant, dans une étrange conjugaison dont la vocifération se fait plus d'une fois l'auxiliaire. Au beau phrasé du Fafner un peu confidentiel de Günther Groissböck répondent la diction stimulante et le timbre avantageusement défini du Fasolt de Franz-Josef Selig. En Loge, David Kuebler s'ose à une théâtralité rafraîchissante que soutient une prestation vocale peu sereine qu'un certain contrôle technique parvient à crédibiliser. Le Froh à l'aigu chatoyant de Endrik Wottrich témoigne d'un inestimable souci du phrasé, de la nuance et de la musicalité en général, bien que la projection demeure encore en deçà des possibilités de ce chanteur. À l'inverse, la voix de Laurent Alvaro est plus immédiatement flatteuse en Donner, avec moins d'effort artistique. Le timbre épicé, la grande maîtrise du souffle et l'infatigable vaillance de Peter Seiffert servent idéalement le rôle de Siegmund dont néanmoins l'on regrette le grave laissé pour compte. Coloré, généreusement sonore, toujours intelli-gemment mené, Mime trouve en Volker Vogel une incarnation bienvenue qu'aucune réserve ne saurait ternir. Avec une voix énorme, une expressivité d'un raffinement indicible, Stephen Milling impose un Hunding d'une évidence écrasante dont la fauve et redoutable félinité, incroyablement intériorisée dans cette mise en scène qui ne laisse aucune place à un registre plus expansif, est proprement fascinante.

Ces premiers pas du nouveau Ring du Châtelet désignent ses triomphateurs : le baryton Sergeï Leiferkus, le mezzo-soprano Mihoko Fujimura et les musiciens de l'Orchestre de Paris. Le premier construit prudemment un Alberich qui se révèle toujours plus vaillant au fil de la soirée, grâce à la maîtrise technique d'un très grand métier, mais aussi à une dimension artistique sensible et ténue. La seconde dessine une Fricka aimante d'un timbre exquis, conduisant d'un chant souple et toujours nuan-cé une voix soigneusement construite et sans faille dont on saluera l'égalité sur toute l'étendue de la tessiture. Enfin, la formation parisienne fait preuve d'une efficacité remarquable, par la belle unité de ses cordes graves (Das Rheingold), des bois irréprochables, et surtout des cuivres totalement à la hauteur des exigences de la partition. Au pupitre, Christoph Eschenbach étire le temps du Prologue en ciselant minutieusement la couleur ; au-delà de la solennité peut-être attendue, on y gagne un raffinement de sonorité annonçant certes Parsifal, mais plus encore Le Roi Arthus et Pelléas & Mélisande, suites logiques et françaises de la révolution wagnérienne. Dans cet acte unique où il se passe beaucoup d'événements, activés par de nombreux personnages, la fosse est étonnamment calme et dense, tandis que dans la 1ère Journée, assez statique, elle se déchaîne en des contrastes et des humeurs plus accusés ; du coup, un équilibre avec la mise en scène est sainement obtenu, créant cette salutaire dynamique dont la lente déambulation wilsonienne est dépourvue.

Rendez-vous en janvier avec ce crépuscule annoncé par Erda (Siegfried les 26 et 31 janvier, 5 et 8 février ; Götterdämmerung les 28 janvier, 2, 12 et 15 février), le cycle complet étant repris pour deux séries au printemps (du 30 mars au 15 avril)…

Bertrand Bolognesi

 

La Libre Belgique
25/10/2005

Opéra – CRITIQUE
"La Walkyrie" au Châtelet: inaboutie
A une exception près, personne, surtout pas Wilson, ne convainc totalement. Direction d'Eschenbach engagée mais instable et émaillée d'incidents.

MARTINE D.MERGEAY
envoyée spéciale à Paris

Depuis le 19 octobre, le Châtelet propose le "Ring" de Wagner - un des nombreux à figurer à l'affiche cet automne - mené en coproduction avec Zurich, où il fut déjà donné en 2001, et mis en scène par Robert Wilson. Après "L'or du Rhin", "La Walkyrie" fut donnée en première le 21.

Robert Wilson a-t-il manqué de cohérence ou d'autorité? Autant le visuel de cette "Walkyrie" s'impose à chaque scène, autant les tableaux de lumière y sont plus éblouissants les uns que les autres - trop même, on en perd sa concentration... - et les costumes superbes, autant la fameuse gestuelle wilsonnienne ne produit pas ici son effet habituel. Non pas qu'elle soit déplacée en tant que telle - tout est convention dans l'opéra, pourquoi pas la gestuelle? Mais il apparaît clairement que certains chanteurs ne s'y sont pas pliés et même, dans certains cas, que Wilson a perdu le fil.

Les moments réussis sont là pour accuser les échecs. Exemple: alors que Peter Seiffert (un des meilleurs Siegmund du moment) est visiblement peu à l'aise dans le rituel wilsonnien, lui et Petra-Maria Schnitzer (Sieglinde) parviennent à susciter des moments magiques par le simple jeu des mains et des lumières, eau et caresse confondues. On frissonne...

A l'acte suivant, dans la scène opposant Fricka et Wotan, la mezzo japonaise Mihoko Fujimura, renversée en arrière, main en conque au-dessus du front, attire d'un coup de rein sa traîne de mante religieuse avant que les lumières s'inversent et la dessinent à contre- jour, auréolée de mauve et d'or... Rien que ces dix secondes valent qu'on croie à tout le reste. Mais, hélas, le reste ne les vaudra pas.

Comme si Wilson avait chaque fois abandonné son idée en cours de route, perdu la force symbolique de ses gestes, ou, autre hypothèse, manqué d'autorité vis-à-vis de ses chanteurs, ces derniers perdus dans des déplacements rendus plus hasardeux encore par l'escarpement du plateau ou par les brusques passages de la lumière à l'obscurité... Ce qui valut par exemple au public du Châtelet une "chevauchée" feutrée, hésitante et quasi invisible, tandis que la musique compensait par un redoublement de fracas les privations du regard; ou des mouvements entrepris dans un sens, puis dans l'autre, sans que l'on pût saisir s'il s'agissait d'une erreur d'aiguillage ou d'une volonté de la mise en scène.

Des voix et des acteurs

Côté distribution, Linda Watson - strictement engoncée dans son costume d'organdi noir - offre au rôle de Brünhilde une voix ronde, noble et lumineuse, manquant de mordant et parfois de volume, mais toujours guidée par un grand raffinement musical. Belle allure et jeu assuré pour le Wotan de Jukka Rasilainen, à défaut de voix et de puissance; il n'y aura donc dans le Walhalla que la Fricka de Fujimura - mezzo superbe, excellente projection et présence scénique intense - à convaincre sans discussion (dont acte...). Chez les Wälsung, Peter Seiffert, plutôt balaise, s'impose par sa puissance et sa plénitude vocale, tandis que l'élégante Petra-Maria Schnitzer, voix solide mais aigus raides, manque de peu la dimension sensible de Sieglinde. Et Stephen Milling serait une basse idéale pour le cruel Hunding si la justesse était plus précise. A la tête de l'Orchestre de Paris et suivant le livret pied à pied, Christoph Eschenbach mène une direction engagée, colorée, au dramatisme puissant... On regrettera pourtant la fluctuation des tempos, quelques accrocs gênants dans les interventions solistes et l'habituelle dérive consistant à jouer trop fort...

 

BLOOMBERG.NET
October 25, 2005

Wagner's `Ring' Features Eschenbach, Singing Zombies in Paris

By Jorg von Uthmann

Oct. 26 (Bloomberg) – Richard Wagner hated the Parisians because they had humiliated him in 1861 with noisy demonstrations against ``Tannhauser.'' His opera had to be withdrawn after three performances.

Since then, the Parisians have made up for their poor behavior. While the Opera Bastille is reviving last year's production of ``Tristan und Isolde,'' the Theatre du Chatelet has just started a new ``Ring des Nibelungen'' -- only 11 years after its last production of the tetralogy.

Given the lamentable state of Wagner singing today, this persistence must be called audacious.

In fact, the ``Ring'' is not entirely new. It is a coproduction with the Zurich Opera House where it was launched in 2000 with a different cast and conductor.

The director, Robert Wilson, is known for his minimalist, stylized approach. The 64-year-old has not changed.

``Das Rheingold'' and ``Die Walkure,'' the first half which runs through Nov. 5, are beautiful to view, but undramatic almost to a point of stupor.

Slow-Motion Cult

The characters move slowly, not unlike priests of an exotic cult, their hands stretched out in hieratic poses. There is little interaction between them, reminding us that Wilson was once a movement therapist for autistic people.

The stage is empty most of the time. There are only a few props. The Rhinegold is suggested by a yellow light, the magic fire that encircles Brunnhilde's rock by three meager rows of gas flames.

The light, as usual, is an essential part of Wilson's concept. It often changes abruptly, turning a character into a silhouette in front of a delicately illuminated background.

There is nothing Teutonic about the costumes (Frida Parmeggiani). They are an eclectic mix of Western evening dresses, Japanese kimonos and Egyptian headgear.

For both Christoph Eschenbach and his Orchestre de Paris, this is their first encounter with the ``Ring.'' The lack of experience could have been a liability, yet it proves to be an asset. Their playing is disciplined, but sounds spontaneous.

The conductor takes his time -- 255 minutes for ``Die Walkure,'' almost half an hour longer than Georg Solti in his classic recording.

Chamber Music

In interviews, Eschenbach had said that he didn't plan to follow the weighty Furtwangler or Knappertsbusch tradition, but instead would adopt the approach of his mentor, von Karajan, who treated the score as chamber music. That is exactly what he does. Long stretches of the text can be understood without looking at the surtitles.

Cynics will say that Eschenbach is making a virtue of necessity. They have a point. Most of the singers would have been drowned out by an orchestra at full throttle -- not least Brunnhilde (Linda Watson) who sounds seriously undernourished.

Other vocal problems abound: Wotan (Jukka Rasilainen) has a shaky intonation. Siegmund (Peter Seiffert) impresses with his heroic high range, but his low notes are almost inaudible. Sieglinde (Petra-Maria Schnitzer) lacks warmth. Alberich (Sergei Leiferkus) is powerful, though unsubtle.

The best of the lot is David Kuebler, who delivers Loge's malicious remarks with incisive clarity.

The second half of the tetralogy, ``Siegfried'' and ``Gotterdammerung,'' will be performed in January and February. In April, the whole cycle will be repeated with Placido Domingo as Siegmund.

 

Il giornale della musica
2 novembre 2006

Die Walküre, le ombre di Wilson

Ormai Robert Wilson non ha più segreti per lo spettatore parigino. L'oro del Reno ha permesso di levare il velo sulla visione misurata, con gesti ritualizzati fortemente ispirati dalla tradizione giapponese. È questo il Ring di Wilson e, una dopo l'altra, le quattro giornate saranno un approfondimento in un universo che non ha certo colpi di scena nella manica. Die Walküre prolunga (ed eventualmente estremizza) quanto già visto nel Rheingold. Gesti lenti, figure dis-umane stagliate sul fondo insieme ad una ricerca perenne dell'essenzialità fino all'astrazione. Certo, questo secondo spettacolo ha rivelato quanto la regia di Wilson sia debitrice delle luci che hanno veramente la capacità di plasmare i personaggi. Le luci modellano, creano metamorfosi in un gioco che inevitabilmente rinvia alla tecnica delle ombre cinesi. Inevitabilmente, con questa ricerca dell'essenzialità non vanno certo a braccetto alcuni effetti pre-hollywoodiani pur concepiti da Wagner. Ad esempio, è inutile di attendersi una vera "cavalcata delle Walchirie"; ci si dovrà accontentare di un rituale simbolico, ridosso all'osso. Anche per il sacrificio di Brünnhilde è meglio non avere troppe pretese realistiche : un cerchio di fuoco è già molto per l'universo di Wilson.

L'orchestra trionfa. A tratti - come all'inizio dell'atto II, per l'arrivo delle fanciulle - abbandona i toni cameristici sbandierati da Eschenbach. In ogni caso, una vera delizia per precisione, per varietà di colori, per forza. Ancora una volta, l'Orchestre de Paris non perde l'occasione per stupire.

Linda Watson delude nei panni di Brünnhilde: alcune prestazioni sono pasticciate, anche se nel complesso la sua è un'esecuzione più che decorosa. Il Wotan di Jukka Rasilainen ammalia per la prestanza fisica che non è purtroppo all'altezza delle capacità vocali. Eccelle invece Stephen Milling (Hunding). Ma la stella della serata si conferma Mihoko Fujimura che si concede in una Fricka piena di eleganza e di forza.

Qualche sbavatura (nel cast) e qualche ripetitività di troppo (nella regia) non posso, comunque, offuscare uno spettacolo che resta, malgrado tutto, sontuoso.

Alessandro Di Profio