La Fura dels Baus magnifie les errances de Barbe-Bleue La nouvelle production du Château de Barbe-Bleue, de Bartok, mis en scène par Alex Ollé et Carlos Padrissa, du collectif théâtral catalan La Fura dels Baus, dans les décors et costumes du plasticien Jaume Plensa, est un chef-d'oeuvre. Un pur moment de grâce, de poésie, de lyrisme et de terreur. Dès le "Prologue" enregistré par Maurice Benichou sur les images projetées d'une femme en robe blanche, montant et descendant l'escalier central de l'Opéra Garnier. Le reste ne sera qu'immense nuit trouée de visions. Celles de Judith, quatrième femme de Barbe-Bleue, errant dans le froid château des songes et de la mort. Dans une oeuvre sans synopsis autre que celui d'accomplir de la première à la septième porte son destin tragique, dans ce lieu sans fond ni épaisseur, espace du rêve et de l'inconscient, les Catalans ont réussi des tableaux d'une rare beauté - chambre de torture, salle d'armes, trésor de Barbe-Bleue... L'apparition du jardin secret de la quatrième porte, avec ses rideaux de mots scintillants de lumière est superbe. De même, le royaume de Barbe-Bleue, où Judith, cheveux au vent, survole, de la coupole du Palais-Garnier, les toits de Paris. La fragilité du Barbe-Bleue de Willard White affamé d'amour et la pugnacité sensuelle de Béatrice Uria-Monzon en Judith affolée de connaissance, donne du couple une interprétation profondément humaine et poignante. Quant à l'Orchestre de l'Opéra, il est dans un bon soir, sous la direction engagée (et peut-être pas assez enragée) de Gustav Kuhn. POÈMES ANONYMES Le souffle de ce Château de Barbe-Bleue projettera dans l'ombre Le Journal d'un disparu, de Janacek, qui le précédait pour atteindre aux deux heures réglementaires d'un spectacle. Car il est des oeuvres dont la longueur ne fait pas un opéra. Vedette américaine, tel était le rôle dévolu à ce cycle de vingt-deux chants pour ténor, alto solo et voix de femmes, écrit par Janacek sur des poèmes anonymes narrant l'histoire du paysan Janik, "disparu" corps et biens pour la belle Tzigane Zefka. Une musique singulière, au lyrisme corseté d'un piano ascétique, ici orchestrée (avec luxuriance) par le chef d'orchestre Gustav Kuhn. La tête du ténor Michael König (en pleine possession de ses moyens vocaux), dans la terre jusqu'au cou, ressemble à celle d'un Jean-Baptiste qui se mettrait à chanter sur son plateau d'argent, ou d'un Holopherne décapité. Ce n'est pas pour Judith qu'il se libérera (elle est déjà avec Barbe-Bleue), ni la Tzigane Zefka, mais pour rejoindre Hannah Esther Minutillo, transposition contemporaine oblige, désormais pute des pays de l'Est. Marie-Aude Roux |
Opéra. Les Catalans de la Fura dels Baus mettent en scène l'oeuvre de Bartók ainsi qu'un cycle de chants de Janácek. Par Eric DAHAN D évoilée il y a une semaine au palais Garnier, la nouvelle production du Château de Barbe-Bleue, confiée à la Fura dels Baus, n'a pas fait scandale. S'il y a longtemps que le collectif catalan a remisé son esthétique néoprimitive et gore au vestiaire des années 90, les lyricomanes parisiens ont moyennement apprécié sa revisitation de la Flûte enchantée à Bastille il y a deux ans, et redoutaient d'être encore déçus.Fondu enchaîné. Le chef-d'oeuvre de Bartók ne durant qu'une heure, Gérard Mortier a choisi de le coupler au Journal d'un disparu de Janácek, encore plus court. Afin de créer une continuité, voire un fondu enchaîné entre les deux oeuvres, le chef Gustav Kuhn a décidé d'orchestrer dans un style bartókien le cycle de chants pour ténor, alto solo et choeur de femmes, prévu par Janácek pour être accompagné d'un simple piano. On peut penser qu'il s'agit d'une idée de trop. Certes, le volume de Garnier gagne, du strict point de vue spectaculaire, à être rempli des sonorités du grand orchestre ; mais l'oeuvre y perd par contre son caractère et sa couleur âpres, sa gravité et sa poésie. Au point de donner l'impression d'être un amuse-bouche avant le plat de résistance bartókien. Minijupe rouge. Le ténor allemand Michael König, dont seule la tête et le torse nu émergent occasionnellement d'un trou au centre du plateau, interprète, avec vaillance et grand sens du lied, la passion du paysan Janik, hanté par le souvenir de la Tsigane Zefka. Projection, articulation, legato, c'est du très beau travail, et, si l'on ressent parfois une impression gênante d'extériorité, c'est aussi en raison du gigantisme de cette scène, visitée par moments par la mezzo tchèque, Hannah Esther Minutillo, battant le trottoir en minijupe de cuir rouge. Plus ambitieuse, mais également d'une grande sobriété, est la mise en scène du Château de Barbe-Bleue, faisant grand usage de la vidéo. Pendant le prologue, des images de Judith, l'héroïne, montant et descendant des escaliers sans fin comme en hommage à l'artiste néerlandais Escher et ses gravures vertigineuses , installent une tonalité bleutée de cauchemar. Le fait que les images aient été filmées au palais Garnier inscrit directement les spectateurs dans la problématique de l'ouvrage, celle d'un homme qui, muré dans sa solitude, punit par la mort toutes celles qui veulent plus que ce qu'il leur accorde. Démultipliée par l'emploi de clones physiques sur le plateau, la partie de cache-cache de Judith et Barbe-Bleue est dirigée avec rigueur et imagination par Alex Ollé et Carlos Padrissa, calés comme jamais sur la partition : les rideaux de pluie ou de mots tombent comme des couperets, des échappées belles se dessinent en spirales. Couleurs. Du grand art, mais, là encore, peut-être, un manque d'intériorité, de chaleur et de mystère ; d'autant que le jeu de Willard White et Béatrice Uria-Monzon est particulièrement passionné et physique. Vocalement, la performance du baryton-basse américain est admirable de caractérisation humaine, au risque de perdre en puissance d'inquiétude. La belle mezzo Béatrice Uria Monzon est au diapason, conjuguant vocalité soignée et agressivité charnelle. Sous la baguette de Kuhn, l'orchestre de l'Opéra de Paris est plus prodigue en couleurs raffinées qu'en tension ou mordant ; surtout si l'on a encore à l'esprit la direction incandescente de Boulez au Châtelet, en juin dernier. Un spectacle de grande qualité, donc, mais pas marquant. |
![]() 29 janvier 2007 La Maison d'un disparu/Le Château de Barbe-Bleue Janacek/Bartok JEAN-LOUIS VALIDIRE C'est avec une certaine appréhension que l'on attendait la nouvelle production du Château de Barbe-Bleue à l'Opéra Garnier. La Flûte enchantée, mise en scène en 2005 par la Fura dels Baus, reste pour beaucoup un des souvenirs les plus consternants des mises en scène de l'ère Mortier. Cette fois-ci, à notre heureuse surprise, le collectif catalan a su avec bonheur s'incliner devant la musique, la beauté et la magie de l'opéra de Bela Bartok, se bornant à souligner la tension et la progression dramatique de ce conte initiatique. L'orchestre dirigé par Gustav Kuhn trouve les inquiétantes couleurs de cette musique inspirée du folklore magyar qui accompagne le voyage de Barbe-Bleue et de Judith vers la connaissance que symbolisent les sept portes tenues fermées. C'est Willard White, le Wotan de la Tétralogie d'Aix-en-Provence, qui prête sa voix et sa stature au héros. Son timbre chaud dans les accents si particuliers du hongrois traduist admirablement la sensualité, la tendresse, la douleur et donc l'humanité du personnage. Une très grande interprétation à laquelle la mezzo Béatrice Uria-Monzon donne une convaincante réplique, même si elle ne se hisse pas au niveau atteint par son partenaire. Sombre comme le dénouement, la scénographie fait alterner des tableaux qui laissent deviner plus qu'ils n'exposent les secrets livrés par les portes. Un travail remarquable de finesse et d'intelligence. En première partie, Gustav Kuhn a décidé d'orchestrer en le liant à l'opéra de Bartok, les chants pour ténor et alto d'un Journal d'un disparu de Janacek, créé en 1921, sensiblement à la même époque que l'opéra de Bartok, qui date de 1911. L'inspiration en est plus simple et les emprunts à la musique populaire plus directs. L'oeuvre apparaît comme un miroir imparfait de celle qui lui succède artificiellement. Michael Konig, dont on ne voit que la tête sortant de terre, y est cependant très émouvant. |
Opéra. Critique Janacek ouvre le Château de Bartok "Le journal d'un disparu" et "Le château de Barbe-Bleue" sous la baguette inspirée de Gustav Kuhn. Splendide mise en scène de la Fura dels Baus. Nicolas Blanmont Depuis la Monnaie jusqu'à l'Opéra de Paris en passant par Salzbourg, Gérard Mortier a toujours défendu et promu les opéras de Leos Janacek. Il fait cette fois un pas de plus en unissant, sous les ors du Palais Garnier, "Le journal d'un disparu" - cycle de mélodies avec piano orchestré pour l'occasion - au "Château de Barbe-Bleue" de Bartok. Tchéquie et Hongrie, deux oeuvres presque contemporaines - dix ans à peine les séparent, "Le Château" ayant été créé en 1910 et "Le journal d'un disparu" achevé en 1920 - et, au-delà de la disparité des formes originales, une évidente similitude d'histoires : un couple où l'homme est séduit, et conduit, par une femme très différente de lui. Connu pour son dynamisme, son éclectisme et ses lectures wagnériennes (tant scéniques que musicales) dans son Festival d'Erl, Gustav Kuhn est aussi compositeur : mais c'est dans une grande fidélité à l'esprit et au style de Janacek, sans nullement se l'approprier, qu'il a orchestré "Le journal d'un disparu", réussissant, en recourant à un instrumentarium équivalent à celui du "Château", à restituer le mélange de doute, de nostalgie et de sensualité qu'appelle l'oeuvre. Incarnation idéale Chez Janacek comme chez Bartok, sa baguette sait ménager fulgurances et mystère, impressionnisme et expressionnisme, avec un orchestre de l'Opéra de Paris aux sonorités somptueuses. Sur scène, quatre excellents chanteurs offrent le répondant idéal : sans être nécessairement les voix les plus parfaites qui se puissent rêver pour leur rôle, ils en sont une incarnation idéale parce qu'ils mêlent crédibilité scénique, engagement dramatique et capacité vocale : le ténor allemand Michael Koenig et la mezzo-soprano tchèque Hannah Esther Minutillo pour Janacek, sa collègue française Béatrice Uria-Monzon et le baryton-basse jamaïcain Willard White pour Bartok. Sexe et vidéo Mais la puissance du spectacle vient aussi et surtout de la mise en scène du groupe La Fura dels Baus. Pas de provocation (ni de matelas gonflables, comme les Catalans en avaient mis dans leur "Flûte enchantée" de l'Opéra Bastille), mais une mise en scène véritablement moderne qui sait aller à l'essentiel en évitant le superflu. Une, voire deux mises en scène car, hormis l'apparition de minces bandes de plastique sur lequel sont inscrites en traduction française des phrases du livret, rien ne réunit vraiment les deux univers scéniques. "Le journal d'un disparu" voit le narrateur Janik émergeant à peine d'un trou de citerne dans la scène, sorte de Jokanaan que viendra enlacer de ses immenses jambes une Zefka moins agressive, mais non moins provocante, que Salomé; la référence au drame de Wilde et Strauss s'impose pourtant, d'autant plus qu'on verra un instant une tête coupée à l'effigie du ténor. Ces positions de domination et de soumission ne les empêcheront pas de s'aimer, quelques figurants en collants venant sensuellement ramper autour d'eux. La vidéo apparaît avec le prologue du "Château de Barbe-Bleue", sous la forme - splendide - d'un film façon expressionnisme allemand, projeté sur un tulle invisible, où les personnages de Judith et Barbe-Bleue semblent se poursuivre dans les escaliers - démultipliés en kaléidoscope - du grand hall du Palais Garnier. La mise en abysse se poursuivra avec l'ouverture des diverses portes, d'autres lieux du mythique opéra et de ses alentours surgissant dans des formes toujours renouvelées. Le vent, la lumière et la pluie viendront s'ajouter aux images pour créer un univers scénique à la fois virtuel et d'une présence prodigieuse, le tout donnant un des plus beaux spectacles lyriques qui se soit vu depuis longtemps à Paris et ailleurs. |
Altamusica.com CRITIQUES DE CONCERTS Nouvelles productions du Journal d’un disparu de Janáček et du Château de Barbe-Bleue de Bartók mises en scčne par La Fura dels Baus et sous la direction de Gustav Kuhn à l’Opéra de Paris. Le Palais Garnier de Barbe-Bleue Si l’idée d’orchestrer " à la Bartók " le Journal d’un disparu de Janáček est pour le moins incongrue, sa réalisation scénique, son interprétation vocale comme celles du Château de Barbe-Bleue de Bartók, fruits du travail très cohérent de la Fura dels Baus au Palais Garnier, sont de magnifiques moments de théâtre lyrique. Gérard MANNONI On parierait volontiers qu’il savoure la provocation comme certains un bon Havane ! Certes, Gerard Mortier est un homme de conviction qui croit profondément à la politique artistique qu’il met en place, mais il doit aussi trouver un côté jubilatoire à secouer le cocotier des habitudes lyriques parisiennes comme il le fait depuis son arrivée à l’Opéra. En confiant aux équipes de la Fura dels Baus la réalisation de ce spectacle Janáček -Bartók, il ne pouvait ignorer multiplier les risques aprčs le trč s frais accueil réservé à la Flûte enchantée vue par les mêmes créateurs. Eh bien, pari tenté, pari gagné ! Car la réussite de ce programme est totale, à une erreur près : avoir présenté le Journal d’un disparu dans une version orchestrée " en s’inspirant de l’orchestration de Bartók ", avec l’étrange intention de " souligner la parenté existant entre les deux compositeur ".Pourquoi donner du Janáček si c’est pour tenter d’en faire du Bartók ? Pourquoi ne pas avoir été jusqu’au bout du défi et ne pas avoir donné tout simplement la version traditionnelle de l’ś uvre avec un simple piano ? Encore un exemple de manque de confiance en la musique, de doute quant à son impact, même si la forme est plus pudique que celle d’un grand opéra. La question n’est alors pas de savoir si l’orchestration de Gustav Kuhn, qui dirige fort bien l’orchestre, est bonne ou mauvaise. Elle n’a tout simplement aucune raison d’être ni aucun intérêt. Inutile de tenter de la justifier par l’enchaînement des deux pièces dans un même souffle.Cela dit, les options scéniques dépouillées à la Beckett vu par les Renaud-Barrault choisies par l’équipe de la Fura dels Baus sont intelligentes et donnent une vraie profondeur à cette partition étrange, inspirée à Janáček par des poèmes somme toute assez médiocres. Aucune tentative donc d’illustrer de manière figurative les images bucoliques ni les épisodes amoureux qui constituent l’essentiel du texte, mais une vision rude et austère, qui exprime le parcours intérieur passionné et douloureux tant du poète que du compositeur. Michael König en est l’interprète excellent à tous égards, secondé par une Hannah Esther Minutillo aux brèves mais marquantes interventions, très cinématographiques. Univers du cinéma aussi pour le Château de Barbe-Bleue dont il faut avant tout souligner la somptueuse interprétation orchestrale par les musiciens de l’Opéra. La partition est une splendeur, foisonnante de couleurs, de rythmes, de contrastes, d’idées harmoniques surprenantes. Elle est rendue ce soir de manière magistrale, tout comme l’interprétation vocale et dramatique de Willard White et de Béatrice Uria-Monzon, chantant bravement en langue originale. Un palais à la Cocteau Expressifs, vrais, exacts, sans excès, sans faux pas, ils répondent avec un sens théâtral infaillible aux exigences d’une mise en scène brillamment intelligente, absolument dans l’esprit de l’œuvre. Des rétroprojections sur des séries de rideaux transparents situent l’action dans un Palais Garnier magique, féériquement amplifié ou déformé à la Cocteau, ou dans des lieux abstraits d’une grande beauté, collant à la dynamique du drame. Un travail beau à voir, varié, toujours en situation, propice à l’évasion poétique, effrayant comme les cauchemars de l’enfance après la lecture vespérale de certains contes de féés. Un spectacle original, nouveau, conçu, réalisé, éclairé, interprété avec une inspiration permanente, ce n’est pas si courant sur les scènes d’opéra. Si l’on n’avait pas touché à la partition de Janáček, la soirée frôlerait la perfection. |
EL PAIS 28/01/2007 REPORTAJE. El espectáculo está formado por dos piezas breves, de Béla Bartok y Leos Janácek. Jaume Plensa: "Estamos más ante un poema que ante una novela" "El arte vive de los milagros" Gran éxito en la ópera de París del espectáculo de Jaume Plensa y los miembros de La Fura dels Baus Alex Ollé y Carles Padrissa OCTAVI MARTÍ París. La Fura dels Baus y Jaume Plensa se han instalado de nuevo en la ópera de París con un espectáculo doble, cuyo estreno fue coronado el viernes con grandísimos aplausos. Diario de un desaparecido, de Leos Janácek, y El castillo de Barb Azul, de Béla Bartók, son dos obras breves: la primera imaginada para piano y voces, la segunda para gran orquesta. Ahora, en la Ópera Garnier de París se presentan casi simultáneamente, después de que el director Gustav Kuhn haya orquestado la primera. "A la manera de Bartók, dando primacía a los instrumentos preferidos del húngaro, buscando clarificar el estrecho parentesco entre los dos compositores", dice Kuhn recordando que ambos, el checo y el húngaro, reivindicaban la música popular de las distintas naciones que integraban el imperio austro-húngaro. Para Jaume Plensa, máximo responsable de la escenografía del doble montaje, "lo importante en este caso no es la narración. Estamos más ante un poema que ante una novela". Para Alex Ollé, que con Carlos Padrissa asume la dirección de actores y el trabajo de puesta en escena propiamente dicho, "Plensa es alguien que da ideas y sugiere formas. Él nos da la botella y nosotros la llenamos". Y Plensa remacha la fórmula: "Lo importante es que el mensaje que lleva la botella viaje lo más lejos posible, que atraviese cuantos más océanos mejor". Las dos obras tienen en común la brevedad, el confrontar dos parejas, el no necesitar de coro y el transcurrir en lo que puede ser descrito como un universo mental. "La acción se desarrolla en el castillo, que es el propio teatro, un lugar de poder", dice Plensa. "El espectador tiene que completar lo que está sugerido en el texto y en la música. Son dos óperas muy abstractas. La verdad es que cuando Gerard Mortier nos las propuso parecía saber lo que ahora nos convenía, el poder realizar un montaje que va a lo esencial, directo, muy despojado". Para Pedrissa es importante "ver que hay una continuidad entre una y otra pieza, más allá de la que ha reforzado la orquestación de Kuhn. En Diario de un desaparecido tenemos a un hombre preso de sus raíces, de su cultura, que es como una zanahoria clavada en la tierra y que de pronto se descubre cada vez más fascinado por una mujer, que supone romper con todo eso: una gitana". Ollé precisa que "hemos cambiado la gitana por una de esas prostitutas de carretera que pueblan las cunetas de los antiguos países del Este. La dimensión racial no nos interesaba pero sí la diferencia social". Luego, en El castillo de Barba Azul, "es la mujer la que se siente atraída por la diferencia que representa el otro", dice Padrissa, "es ella la que quiere saber lo que hay detrás de las siete puertas, si no son fundadas las habladurías sobre Barbazul. Parecería que una obra comienza donde acaba la otra". La dimensión freudiana de los dos textos, omnipresente en ambos por un simple efecto de contigüidad temporal -las óperas fueron escritas entre 1910 y 1918, en plena emergencia del inconsciente y del iceberg sexual-, no ha sido el eje del montaje, que huye de toda teorización excesiva. "Son obras abstractas pero dirigidas poniendo de relieve una gran carnalidad", casi constata Plensa, satisfecho de lo visto la noche antes, durante la general. Es la tercera vez que Mortier reúne a Plensa y a los dos miembros de la Fura dels Baus. "El arte vive siempre de los milagros. Es una conjunción de deseos, una suma de casualidades", dice el escultor. "Cada uno de nosotros desarrolla una carrera profesional por separado pero, de vez en cuando, Mortier nos reúne y lo hace con la obra adecuada y en el momento preciso. Y en esos casos la ópera funciona como el laboratorio de experimentación que necesitábamos". El milagro se produjo antes en Salzburgo (1999) o en la trienal del Ruhr (2003). "Mortier sabe que el resurgir de la ópera se debe en buena parte a las aportaciones de gente exterior al mundo del bel canto, entre otras razones porque él sostiene que la ópera entró en decadencia con Puccini", nos recuerda Padrissa. El doble espectáculo es una coproducción con el Liceu de Barcelona, donde se presentará en octubre del 2007. Luego también está previsto que viaje a Tokio. "Y puede que interese a otros países, pero para eso primero tiene que estrenarse". |
FINANCIAL TIMES Bartók/Janácek double bill By Francis Carlin A spotlit head, and later its torso, emerge from the floor of an empty stage. Alone and vulnerable, the image first recalls John the Baptist, then a male version of Beckett’s Happy Days. This is the poet in Janácek’s Diary of One Who Disappeared, the first part of a novel twinning with Bluebeard’s Castle, staged by the Catalan entity La Fura dels Baus with sets by Jaume Plensa. Whatever these symbols mean, Michael König’s poet sings with appreciable force and clarity. Hannah Esther Minutillo is the gypsy girl, the object of his desires, showing off her legs in black hotpants; she’s a prostitute, which to contemporary eyes is assumed to have the same stigma as sleeping with a gypsy did a century ago. Gustav Kuhn’s orchestration of the piano part is of only intermittent interest, the production team fails to pace the piece properly – the writhing body-stockinged figures that advance like worms on the exposed head look like padding – but the mood of anxious ambiguity is set for the pièce de résistance. Bluebeard’s Castle is a masterstroke of video work and lighting, a series of images that tease the imagination. It’s an unusually stark and pared down approach from the Catalans, like an oblique tribute to Robert Wilson’s tidy geometry, but strikingly efficient. The castle is the Palais Garnier itself: ravishing expressionist kaleidoscopes of the grand staircase and the neo-baroque foyer make us feel part of the ambient disquiet. Gustav Kuhn’s conducting cloaks the score in Debussyan, dreamlike textures, treating the work as a sequel to Pelléas, matching the gloom on stage. Béatrice Uria-Monzon’s Judith is a light mezzo for a booming role but her lithe silhouette glides magically in the shadows, nagging Willard White’s robust Bluebeard with fatal leading questions. It’s a mistake to use a 40-a-day voice to growl the introductory narrative in French – the original Hungarian would have been spookier – but Gérard Mortier has a stylish hit on his hands. Even the production team was cheered. |
Bluebeard's Love Life, Sexy Gypsy Girl Enliven Paris Opera By Jorg von Uthmann Feb. 1 (Bloomberg) -- Bela Bartok's opera ``Bluebeard's Castle'' is not the story of a serial killer. It's an intense dialogue between a man and a woman that lends itself to Freudian interpretations, including the question of what the composer meant when he dedicated the score to his wife. The 1918 opera is short and needs a companion piece. La Fura dels Baus, the directorial team from Barcelona, has combined it with another two-hander from the same period, Leos Janacek's song cycle "The Diary of One Who Disappeared". La Fura dels Baus is known for its irreverent attitude toward the repertory, often maiming beloved warhorses beyond recognition. It comes as a relief, therefore, that they chose to present Bartok's psychological drama almost without props. The seven doors that Judith, Bluebeard's last wife, is opening one after the other are suggested by light. Only the intermittent film clips betray the Catalans' cheeky sense of humor: They identify Bluebeard's castle, where ``the walls are bleeding,'' with the Paris Opera's Palais Garnier. Willard White and Beatrice Uria-Monzon sing their parts with expressive ardor and commitment. Gustav Kuhn, the conductor, brings out the rich colors of the glorious score. The opening of the fifth door, with Judith's scream and the flourish of trombones, will give you goose pimples. Gypsy Girl Kuhn also has orchestrated Janacek's 1921 song cycle, which was originally written for tenor, contralto and piano. It's not clear how seriously the author -- Josef Kalda, whose name came to light only recently -- took the affair between a peasant and a Gypsy girl that the 22 songs describe. Janacek, though, was deeply impressed: He had just met Kamila Stosslova, a married woman half his age, who was to become the object of Janacek's unreciprocated love in his later years. The "Diary" is the first of many works inspired by his passion. Typically, La Fura dels Baus has a sharp eye for the ludicrous side of the affair: Janek, the amorous peasant (Michael Konig), sits, stripped to the waist, in a hole, not unlike John the Baptist whose head Salome claims as reward for her dancing. Lo and behold, Janek suddenly seems to have two heads, one of which is slowly floating upward. "He's losing his head," my neighbor whispered to his wife, giving her a dig in the ribs. The Gypsy girl (Hannah Esther Minutillo), on the other hand, looks like a hooker. With professional know-how, she takes the head of her client between her thighs. While they are making love -- in the original a discreet piano solo --naked bodies roll in from both sides of the stage and do all kinds of floor exercises. Konig doesn't have a particularly sweet voice though he does possess the vigor that makes the apprentice lover's torment believable. Minutillo, a mezzo-soprano not a contralto, has the right voluptuousness for her three songs. The double bill is in repertory at the Palais Garnier, Paris, through Feb. 16. |
Grenzerfahrungen im Labyrinth der Liebe "Eugen Onegin" und "Herzog Blaubarts Burg" - das ist klassischer Opernalltag. Doch der Schein trügt; die Produktionen in Lyon und Paris stehen für ein künstlerisches Denken, das auf Innovation zielt. Oper in Frankreich - wer dächte da nicht zuallererst an den majestätischen Tempel von Charles Garnier in Paris. Vielleicht auch an die eigenartigen Gewohnheiten, die dort herrschen: Dass man im Mantel an den Platz geht, da die Garderobe zu klein ist, dass man dafür persönlich hingeführt wird, weil die Nummerierung nur Eingeweihten durchschaubar ist. Frankreich mag nicht als genuines Land der Oper gelten, anders als Italien, wo die Gattung vor vierhundert Jahren entstand, anders auch als die deutschsprachigen Länder mit ihrem dichten Netz an Repertoiretheatern. Dennoch gibt es auch in unserem westlichen Nachbarland eine reiche Opernlandschaft - und zudem einiges an Bewegung. […] Eine neue Art Regietheater Die jüngste Produktion (im Palais Garnier) verband "Das Tagebuch eines Verschollenen" von Leo? Janá?ek mit "Herzog Blaubarts Burg" von Béla Bartók: zwei Einakter, die von Grenzerfahrungen im Labyrinth der Liebe berichten. Und dass die Pariser Oper dazu einen ganzen Reigen an Konzerten und informierenden Veranstaltungen bot, gehört zu Mortiers Konzept eines nicht einseitig auf Genuss und raschen Konsum setzenden, sondern auch an das Bewusstsein appellierenden Musiktheaters. Das "Tagebuch eines Verschollenen" ist eigentlich ein Liederzyklus für Singstimme(n) und Klavier, der nicht selten auf die Bühne gebracht wird. In diesem Fall bestand das Neue darin, dass die Klavierbegleitung Janá?eks durch den Dirigenten Gustav Kuhn für die Orchesterbesetzung des "Blaubart" eingerichtet wurde, damit die (pausenlose) Verbindung möglich werde. Da war vielleicht doch etwas viel Wagner drin - und das Pariser Opernorchester blieb hier wie dort etwas schwülstig, nicht zuletzt als Folge des merklich auftragenden Vibratos bei den Holzbläsern. Seine Wirkung verfehlte das Stück gleichwohl nicht, weil Michael König als der Mann, der sich in eine Zigeunerin verliebt und spurlos verschwindet, wie seine nur selten auftretende Partnerin Hannah Minutillo, das Letzte gibt. Noch mehr gilt das für den "Blaubart", der mit Willard White (Blaubart) und Béatrice Uria-Monzon (Judith) geradezu eine Idealbesetzung gefunden hat. Für Aufsehen sorgt an dieser Produktion die Mitwirkung der katalanischen Theatergruppe La Fura dels Baus. Der von Alex Ollé und Carlos Padrissa inszenierte, von Jaume Plensa ausgestattete Abend fasziniert durch seine neuartige Bildersprache. Sie setzt im "Tagebuch" auf körperliche Präsenz - nicht des Mannes, der über weite Strecken aus einem Loch im Boden heraus singt, sondern der Zigeunerin, die hier eine Prostituierte ist. "Blaubart" dagegen bietet wieder einmal eine Liebeserklärung ans Palais Garnier mit seinem ausladenden Treppenhaus und der einer Krone gleichenden Kuppel: Das Opernhaus selbst ist Blaubarts Schloss, in dem Judith eine geheime Tür nach der anderen öffnet - und da führen im Dunkeln Treppen in schwindelnde Höhen oder tun sich im Gegenlicht Abgründe auf. Wenn Judith dort, wo sie die Ländereien Blaubarts entdeckt, zum rauschenden Dreiklang des vollen Orchesters in einen beleuchteten Schlitz blickt, aus dem der Wind der Ebene aufsteigt, oder wenn sie am Ende durch einen Regenvorhang ins Dunkle entschwindet, dann steht das für eine Art der deutenden Inszenierung, die fruchtbar über das Regietheater hergebrachter Art hinausgreift. PETER HAGMANN |
Operndoppel in Paris Von Frieder Reininghaus Der Stoff von "Herzog Blaubarts Burg" war nicht neu, aber der ungarische Komponist Béla Bartók hat 1918 an der Budapester Oper ein modernes Stück daraus gemacht mit neuen Klängen. Mit Bartók hat Leos Janácek die Liebe für die Folklore gemeinsam. Janacek hat zahlreiche Volksliedsammlungen und Lieder herausgegeben, darunter das "Tagebuch eines Verschollenen". Beiden Komponisten sind nun am Pariser Palais Garnier Opernabende gewidmet. In der slowakischen Hauptstadt Bratislava wurde vor einigen Jahren unweit des Nationaltheaters das stadtbekannte "Original" Cumil verewigt: Der in Erz gegossene Eckensteher schaut aus der Hunde-Perspektive auf das Treiben ringsum. Er ragt mit Kopf und Oberkörper aus einem Schacht der Kanalisation - halb ist er abgetaucht. Auf die gleiche Weise präsentieren die katalanischen Theatermacher Jaume Plensa, Alex Ollé und Carlos Padrissa den von Leoš Janáček nobilitierten namenlosen Landarbeiter, der in der Zeit des ersten Weltkriegs spurlos verschwand: Sein nackter Oberkörper ragt aus der runden Öffnung - und nur er ist in der großen Weite der dunklen Bühne der Palais Garnier erleuchtet. Er singt von einer Begegnung und man ahnt, dass sie es war, die sein Leben so jäh veränderte: In einem Augenpaar, das sich vielleicht nicht zufällig auf ihn gerichtet hatte, erblickte er einen Abgrund. Er sah gern dort hinein - und doch mit anfänglicher Bangigkeit. Schemenhaft huscht eine Bordsteinschwalbe durch das Zwielicht. Die zuständigen mährischen Behörden leiteten vor achtzig Jahren eine Untersuchung über den Verbleib des jungen Mannes ein und stießen dabei auf eine Kladde mit Gedichten, durch die Gründe für das Abtauchen aufs Augenfälligste dargelegt wurden. Ganz offensichtlich hatte er sich der lockenden Verführung nach anfänglichem Zögern mit Inbrunst hingegeben, hatte lichterloh Feuer gefangen und - wo ein Wille, da ist auch ein Gebüsch - sein Ochsengespann stehen gelassen und auf dem Waldboden aufs Heftigste der Liebe gepflegt: "Schattiges Wäldchen, kühle Quelle, (heiße) dunkle Zigeunerin, kleine weiße weiche Knie". Diese vier "Dinge" will er, so sein Versprechen, sein Lebtag nicht mehr vergessen. Fast ohne Erdenschwere singt Michael König die Beichte des von der Macht der Liebe ergriffenen Yanik, der Pflug und Eltern im Stich lässt, um mit der schönen Fremden durchzubrennen - die Bewegungsartisten von La Fura dels Baus gesellen dem von Gustav Kuhn so sorgfältig wie stimmig-diskret instrumentierten Monolog eine Welle begehrlicher Gesten hinzu. Doch es gibt auch die Antwort von ihr, der Hannah Esther Minutillo die Stimme verleiht. Zefka klagt das Schicksal der ewigen Mobilität und öffnet dabei die Korsage hinreichend weit, auf dass ein neues Schicksal seinen Lauf nehme. Entschieden diskret fällt such die in hohem Maß video-gestützte Bebilderung von Béla Bartóks Zwei-Personen-Stück über die Abgründe der männlichen Seele aus. Willard White profiliert sich als Blaubart an der Seite von Béatrice Uria-Monzon. Die Veröffentlichung des sensationellen Allegro barbaro von 1911 machte Bartók in Fachkreisen bekannt, der im selben Jahr begonnene Opern-Einakter Herzog Blaubarts Burg stellte bis heute Bartóks Präsenz auf den Musiktheater-Bühnen sicher. Die Burg dieses abgründigen Herrn - das ist in der neuen Pariser Inszenierung nichts anderes als das Palais Garnier. Über seine gewaltigen Treppen, durch seine illustren Foyers schweben der lange so dominante Mann und Judith, die ihn "knacken" will und wird. Sie will alles sehen, seine ganze Vorgeschichte in Erfahrung bringen - ganz folgerichtig fingern die Hände all der Vorgängerinnen aus dem Laken des Brautbetts. Da züngelt etwas empor, was dieser finalen Zweierbeziehung rasch eine neue Dimension gibt. Mit der Zurücknahme der sonst mitunter so überbordenden körperlichen Einsatzmittel ist La Fura dels Baus eine angemessene Realisierung gelungen, die in ihrer Zweckdienlichkeit für hervorragende Musik überzeugt. |